La Conchyliologie selon Edme François Gersaint

Article de Flore Dezitter

La citation de Denis Diderot dans l’Encyclopédie, “ Marchand de tout, faiseur de rien,” résume bien cette profession. Ils réalisent les différentes commandes auprès des artistes, pour ensuite les vendre sur le marché de l'art. C'est souvent eux qui définissent les goûts et les modes. Certains d’entre eux vont aussi avoir une influence dans l'exportation des modèles, comme Dominique Daguerre, marchand mercier du qui va contribuer à l'exportation des collections de vases de Wedgwood.

Edme François Gersaint contribue au développement du goût pour la coquille, grâce à son commerce. Héritier d’une famille de marchands, marié à la fille d’un maître vitrier et marchand de tableaux, il entre naturellement dans la corporation des marchands-merciers en 1720. Il installe sa boutique à Paris sur le Petit-Pont, puis se déplace suite à un incendie en 1718 sur le Pont Notre-Dame. Au début de sa carrière, Gersaint vendait des meubles, bordures, tableaux et gravures. En 1725, les classes d’amateurs progressent de façon spectaculaire, surtout en termes de curiosités d’histoire naturelle.

Au milieu des années 1730, Gersaint décide de réévaluer ses activités commerciales en direction de l’exotisme et les curiosités. Le marchand-mercier spécialise ses ventes de curiosités naturelles dans le domaine des coquilles, qui tendent à remplacer les médailles dans les collections des amateurs. Un voyage effectué en Hollande en 1733 marque le début de cette modification des stocks. Là-bas, il s’approvisionne en marchandises, comme des meubles de laque et porcelaine de Chine et en coquillages rares. A la suite de cette réorganisation, il crée une carte-adresse qui lui permet d’assurer une publicité auprès d’une nouvelle clientèle. Intitulé "À la Pagode", cette carte réalisée par Watteau et le Comte de Caylus permettait de révéler les trésors dans sa boutique.

Il publie aussi son propre catalogue raisonné sur les coquilles. Dans celui-ci il démontre l'intérêt de posséder de telles collections, puisqu’elles procurent du plaisir, et suscitent la curiosité. Il classifie et vulgarise des savoirs, en s’inscrivant dans une perspective pédagogique et civique. Les deux objectifs pour Gersaint dans son catalogue raisonné sont d’ instruire et distraire. Son livre se situe entre le catalogue de vente et le livre scientifique. Sa démarche a pour objectif de classer, catégoriser, à travers les caractéristiques propres au marché de l’art. Plus encore, Gersaint innove dans sa manière de se mettre en scène, celui-ci n’apparaît plus seulement comme un marchand, mais comme un passeur du goût et de la mode. En effet, il travaille avec des artistes comme Watteau et il est proche du monde des amateurs et des curieux comme le Comte de Caylus.

La coquille est un élément majeur dans le goût de l’époque. Souvent associé à l’exotisme dans les arts décoratifs, le développement de nombreux ouvrages sur le thème des coquilles, classées selon une typologie, contribue à la diffusion de ce goût. D’autres ouvrages scientifiques voient le jour, comme le manuel de Antoine Joseph Dezallier d’Argenville, aidant les amateurs à trier leurs collections. Ce nouvel intérêt pour la coquille contribue au développement d’une science qui lui est propre. Gersaint à travers son catalogue et la commercialisation de ces objets justifie que la coquille est à la fois un objet d’art, aimé pour son aspect esthétique, mais aussi apprécié pour sa diversité et sa structure par les naturalistes.