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Les cartels du Palais des Beaux-Arts de Lille, ou la création d’un lien entre les œuvres et les publics

« Le Palais des Beaux-Arts se réinvente » est un projet scientifique et culturel instauré en 2017 et qui arrivera à terme en 2027. Durant ces dix années, le musée entreprend de mettre en place différents dispositifs dont l’intérêt est de valoriser les collections permanentes et de les rendre accessibles au plus grand nombre.

Article rédigé par Lillomusées

L’accessibilité est d’ailleurs le maître mot de ce programme. A travers ce PSC[1], le musée cherche à renouveler l’expérience de visite au musée et se questionne donc sur la manière la plus pertinente d’attirer de nouveaux publics. Parmi les différentes idées qui font parties du projet, on compte celle de la réécriture des cartels proposée par l’équipe de conservation du musée. Ce travail de réécriture des textes de cartels représente un chantier conséquent dont l’enjeu est majeur pour le musée, comme expliqué précédemment. D’ailleurs, le Palais des Beaux-Arts de Lille s’emploie depuis sa création à favoriser sa relation avec les publics. La présentation des œuvres ainsi que la mise en place d’actions de médiations culturelles accessibles, font partie des fondements du musée. Mais avant de plonger dans le vif du sujet, nous allons d’abord définir ce qu’est un cartel.

Dans son ouvrage Le texte au musée : une approche sémiotique, Marie-Sylvie Poli[2] donne une définition avancée du cartel en retraçant ses premières fonctions. Elle explique que « les écrits affichés aux cimaises des musées étaient majoritairement constitués d'énoncés extrêmement brefs et rarement organisés en phrases, dont la seule fonction est de nommer l'objet et de dater son acquisition par le musée ».[3] Aujourd’hui, la définition du cartel a évolué.  En effet, lorsque l’on visite un musée nous nous apercevons que ces textes ont une fonction plus précise. Ils servent à transmettre et à faire sens auprès des visiteurs. Pour citer une nouvelle fois Marie-Sylvie Poli, ces textes sont « réalisés pour informer le visiteur et l'entraîner vers un raisonnement »[4], mais également, ils « accompagnent les objets et apportent une information qui incite à l’exploration visuelle de l’œuvre ».

Bien qu’il passe parfois inaperçu, le cartel occupe pourtant une place fondamentale en termes de médiation culturelle. Qu’il s’agisse des expositions permanentes ou temporaires, il a pour objectif d’identifier les objets du patrimoine qui composent les collections des musées. C’est sa première fonction. La suivante est chargée du rôle crucial de susciter l’intérêt des visiteurs et cela passe par la compréhension des œuvres exposées. Comme l’explique James Bradburne[5], « le cartel ne se résume pas seulement à un petit objet qui comporte un texte en lien avec l’œuvre auquel il se rapporte, mais se définit plutôt comme un objet qui doit véhiculer du sens auprès de tous ». Plus qu’un outil, le cartel se rapproche volontiers d’un instrument qui accompagne et incite les visiteurs à porter le regard sur une œuvre, voire même à les guider. Toujours selon James Bradburne, un visiteur lambda regarde une œuvre dans un lapse de temps établit entre 10 et 30 secondes. Pour faire face à ce problème d’inattention, le cartel se présente comme une solution afin de renforcer le lien entre les visiteurs et l'objet. Il doit absolument susciter l’intérêt du regardeur et l’encourager à observer les œuvres plus longuement, à l’opposé du coup d’œil superficiel.

Pour continuer vers cette logique de cartels attractifs et accessibles, le Palais des Beaux-Arts de Lille a mis en place un système de cartels développés et adaptés aux différents publics. Les visiteurs ayant des connaissances dissemblables, il est évident que leurs attentes soient toutes différentes quant au contenus des textes. En rédigeant des cartels spécifiques, le musée répond donc à ce besoin. Au-delà des informations essentielles au sujet des œuvres, ces nouveaux cartels proposent également des contenus variés. Le musée a mis en place des cartels à partager avec les enfants par le biais des cartels « Famille ». On retrouve également des cartels qui apportent un regard scientifique apporté par des spécialistes en tout genre (mode, science etc) avec les cartels « Invités ». Les cartels « Littéraires » quant à eux font dialoguer les œuvres du musée et la littérature. Pour terminer les cartels « Illustrés » comportent des images qui se rapportent aux œuvres. Afin d’illustrer notre propos, voici quelques exemples de cartes.

Parmi les cartels proposés par le musée, le cartel générique est le format le plus courant. Ce cartel développé apporte un contenu descriptif, scientifique, historique et même parfois anecdotique au sujet de l’œuvre, en plus de l’identifier. Ce type de texte apporte les informations allant directement à l’essentiel afin d’encadrer les publics durant leur visite.

Bien que des ateliers et des visites spécialisées soient entièrement consacrés aux enfants, le jeune public est bien trop souvent mis à l’écart durant la visite d’expositions. Il est vrai que peu de dispositifs sont mis en place pour susciter leur curiosité, engendrant ainsi un manque d'intérêt de leur part. Ils se retrouvent souvent livrés à eux-mêmes, sans qu’aucune explication ne leur soit fournie. L’intérêt des cartels « Famille » est donc d’initier les jeunes spectateurs à l’art, et cela dès leur plus jeune âge en rendant le musée ludique. Cela permet également de leur apporter des connaissances tout en s’amusant. Ce type de cartels permet d’établir une certaine interactivité parmi quelques œuvres sélectionnées dans plusieurs salles du musée. Afin qu’ils soient en mesure de les lire par eux-mêmes, ils sont rédigés dans un vocabulaire qui leur est accessible et adopte un ton d’écriture plus léger. D’ailleurs le tutoiement est utilisé ce qui permet de créer une certaine proximité avec les jeunes lecteurs. Nous l’aurons compris, le but de ces cartels est d’accorder aux enfants une place importante au sein du Palais des Beaux-Arts de Lille.

Lorsque les musées entreprennent un chantier de refonte des cartels, une question se pose : qui doit écrire les cartels ? De nombreux avis s’affrontent face à cette question récurrente. Faut-il confier cette lourde tâche aux équipes muséales ou doit-on faire appel à un regard extérieur ? Afin de répondre à ces questions, le Palais des Beaux-Arts opte pour une position médiane. Faire appel à des spécialistes appartenant à un domaine spécifique permet aux visiteurs de découvrir un autre aspect des œuvres. Prenons comme exemple Isabelle Paresys (maîtresse de conférences à l’Université de Lille, spécialiste de l’histoire culturelle de la mode) dont le cartel amène un regard historique sur les vêtements que portent les personnages du tableau de Brueghel (1564-1638). En d’autres mots, l’intervention d’une personne extérieure pour la rédaction des cartels donne une nouvelle interprétation aux œuvres et surtout d’expliciter davantage les détails qui y figurent.

Inhérent au cartel générique, le cartel « Littéraire » propose aux visiteurs un extrait d’œuvre littéraire ou théâtrale faisant écho à l’expôt. Ce contenu original associe œuvre picturale et littérature afin d’offrir une double perception aux spectateurs. En outre, l’extrait littéraire apporte un contexte à la représentation qui figure sur l’œuvre, et lui confère une atmosphère particulière.

Le cartel illustré intègre des schémas, des photographies d’objets ou des représentations d’œuvres qui complètent le contenu écrit. A titre d’exemple, il donne un aperçu de l’œuvre exposée à son origine en cas de détériorations ou présente le modèle dont s’est inspiré l’artiste pour son travail. Ce type de cartel permet de faire le pont entre plusieurs éléments. Elaboré dans une dimension plus large, le cartel illustré adopte un format original qui interpelle les visiteurs.

En d’autres termes, la mise en place de différentes catégories de cartels permet de rompre la monotonie des textes muséaux. Surtout ils permettent d’attirer l’attention des visiteurs en proposant une nouvelle approche des œuvres.

[1] PSC désigne le Projet Scientifique et Culturel, c’est ainsi que nous le désigneront tout au long de l’article. Le PSC du musée est accessible à l’adresse suivante : pba.lille.fr/content/download/3583/42515/file/PSC+PBA+digest.pdf [consulté le 24 jan. 2023]

[2] Marie-Sylvie Poli, Maître de conférences en Sciences du langage à l'Université des Sciences sociales de Grenoble 2 et chercheure en muséologie à l’Université d’Avignon. Ouvrage paru en 2002 aux éditions L’Harmattan

[3] Citation située à la page 26 de son ouvrage

[4] Ibidem

[5] BRADBURNE James, directeur de la Pinacothèque de Brera à Milan et MARTINEZ Jean-Luc, Président-Directeur au Musée du Louvre de Paris. Conférence en ligne « Les cartels au musée : la voix des œuvres » pour le musée du Louvre, le 15/09/2017.