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Les momies se révèlent grâce à l’imagerie médicale

En 2010, un vaste projet de recherche et d’études sur les momies égyptiennes d’Antinoé conservées en France est lancé par le musée du Louvre. Les équipes se sont déplacées dans toute la France afin de soumettre à différents examens les 39 momies concernées dans le but de documenter cette collection mal connue et éparpillée dans tout le pays. Antinoé est une nécropole égyptienne dans laquelle l’archéologue français Albert Gayet a beaucoup fouillé entre 1895 et 1914. Les momies retrouvées ont généralement été rapportées en France, ce qui explique leur présence dans les collections françaises aujourd’hui.

L’imagerie médicale est un moyen efficace de déterminer et de visualiser la composition de la momie. Deux types d’examens ont été utilisés : la radiographie et le scanner. La radiographie ne permet pas de visualiser toutes les couches des corps observés, excepté si l’on réalise plusieurs coupes, doublant alors le temps d’intervention. Le scanner est plus complet et précis mais doit être réalisé dans un centre médical équipé, et ne peut être amené directement sur le lieu de conservation des momies. Deux d’entre elles n’ont pas pu être déplacées et ont, par conséquent, été soumises à une radiographie.

Pour les 37 autres, les équipes ont pris contact avec des centres équipés proches des lieux de conservation afin d’y réaliser les examens. Parmi elles, quatre sont conservées au Palais des Beaux-Arts de Lille. En collaboration avec le Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille, les momies du Palais des Beaux-Arts sont passées sous scanner le 16 avril 2011. Les images ont permis de visualiser l’intérieur des momies, parfois encore bandelettées1, mais également de déterminer l’âge des individus au moment de leur décès. En plus du travail sur l’imagerie médicale, une étude paléogénétique2 a été pratiquée afin d’extraire les rares traces d’ADN encore présentes et de les analyser, dans le but d’en prélever des informations utilisables sur la vie à Antinoé. Sur les quatre momies du Palais des Beaux-Arts, trois ont été soumises à cette analyse : le « fonctionnaire à la pourpre », le « conducteur de char », et la momie d’enfant3. Ce type de procédure complexe a été réalisé en collaboration avec le laboratoire de très haut confinement de l’Institut Jacques-Monod afin de préserver au maximum l’ADN extrait sans le corrompre avec de l’ADN moderne.

Dans le cadre de ce travail, des avancées techniques sur l’étude des momies ont été faites, notamment en termes de recherches sur la conservation de l’ADN et les degrés de corruption avec l’ADN moderne. Un livre a été rédigé par les équipes en charge du projet : il permet de renseigner sur les détails techniques des analyses, et documente également les momies et leur arrivée en France. Chaque corps étudié bénéficie de quelques pages dans le livre avec toutes les informations connues ou trouvées à son sujet. Si l’analyse ADN a un grand intérêt scientifique pour l’étude globale de la nécropole d’Antinoé, c’est le travail sur l’imagerie médicale qui a particulièrement été réutilisé dans la création de dispositif de médiation à destination du public dans les musées.

En 2014, le Louvre-Lens inaugure la nouvelle exposition « Des animaux et des pharaons » à l’occasion de l’anniversaire des deux ans de son ouverture (05 décembre 2014 – 09 décembre 2015). L’exposition avait pour thème la place des animaux en Égypte avec la volonté de montrer le lien entre les Égyptiens et la faune qui les entoure durant l’Antiquité. Des animaux naturalisés étaient présentés afin de comparer les représentations aux animaux réels, avant de voir les momies égyptiennes de ces animaux. C’est dans ce dernier type d’objets qu’intervient le dispositif : il s’agit d’une présentation 3D des différentes couches qui composent des momies d’animaux.

Ce travail a été fait à partir d’analyses scanner et scientifiques de quatorze momies animales conservées au musée du Louvre. L’étude de ces momies et les images scanner ont permis de créer un dispositif 3D manipulable par le visiteur4. Sur un écran tactile, il est possible de visualiser l’ensemble de la momie et d’en voir les éléments qui la composent. Six momies sont proposées pour cette expérience : une momie de chat, de bélier, de crocodile, de faucon, d’ibis, et de poisson. Ce projet a nécessité l’intervention de professionnels dont Hélène Guichard, à l’époque conservatrice en chef des Antiquités égyptiennes, mais également de Guilaine Legeay, chargée de conception multimédia du Louvre-Lens. Des spécialistes de l’imagerie médicale sont également intervenus afin d’interpréter les images et d’en extraire les informations intéressantes telles que l’espèce animale qui se trouve dans la momie, la cause du décès, ou les techniques d’embaumement.

 

Depuis quelques années, l’imagerie médicale est de plus en plus sollicitée dans le cadre d’études des corps conservés dans les musées en France et à l’étranger. Ces projets, qui auraient pu se restreindre au domaine scientifique, ont souvent été mis à profit dans la création de dispositifs de médiation permettant aux visiteurs de comprendre davantage les objets qu’ils observent et leur histoire.

1 Photographie et radiographie de la momie de femme, Magalie Coudert & Yannick Lintz, Antinoé, Momies, textiles, céramiques et autres antiques. Envois de l’État et dépôts du musée du Louvre, Paris, 2013, p.182-183

2 Pour plus de détails sur le fonctionnement technique d’une étude paléogénétique, se référer à Magalie Coudert & Yannick Lintz, 2013, p.102.

3 La dernière, la momie de femme, était encore bandelettée (voir image 1). Il n’a pas été possible d’accéder au corps pour en prélever de l’ADN.

4 Une partie du travail a été supervisée par la société Tridology, créée par le radiologue Samuel Mérigeaud, et spécialisée dans le travail sur les applications de l’imagerie dans le domaine de la recherche

  • Coudert Magalie & L Yannick, Antinoé, Momies, textiles, céramiques et autres antiques. Envois de l’État et dépôts du musée du Louvre, Paris, 2013, p.23-24, p .30-41, p.99- 102, p.182-183, p.226-227, p.240-241, p.250-251.

  • Calament Florence, La révélation d’Antinoé par Albert Gayet, Histoire, archéologie, muséographie, IFAO, Bibliothèque d’études coptes, n°18, 2005, p.281-282.

  • Calament Florence, « L’apport historique des découvertes d’Antinoé au costume dit de “cavalier sassanide ” », dans Fluck Cäcilia & Vogelsang-Eastwood Gilian, Riding Costumes in Egypt. Origin and Appearance, acte du colloque « Textiles from the Nile Valley », Congrès international des études coptes, Studiesin Textile and Costumes History, vol.3, Leyde, 2000, Boston, 2004, p.37-72.

  • Dossier pédagogique de l’exposition « Des animaux et des pharaons », Louvre-Lens.