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Les réserves visitables : le Dépôt Boijmans Van Beuningen de Rotterdam, un équipement culturel unique au monde

Les réserves sont des éléments essentiels des musées. Dans cet articles, nous aborderons la question des réserves visitables à travers la présentation du Dépôts Boijmans Van Beuningen de Rotterdam. Cet équipement culturel unique au monde permet aux publics de découvrir le fonctionnement et l’organisation d’une réserve ainsi que les collections qui y sont conservées.

 

Les réserves sont des éléments essentiels des musées : elles conservent, en général, la plus grande partie des collections. Longtemps reléguées dans des espaces non adaptés par manque de place, parfois de volonté et de budget, les réserves font aujourd’hui l’objet d’attentions particulières : réaménagement, réhabilitation, organisation de colloques et journées d’études, etc. Le plus souvent, les réserves ne sont pas accessibles au grand public. Cependant, depuis plusieurs années, se pose la question de la création et de l’aménagement de réserves visibles et visitables.

Le Dépôt Boijmans Van Beuningen (Pays-Bas), inauguré le 5 novembre 2021, est le premier équipement de ce type et est un modèle pour les autres institutions. Situé dans le museumpark de Rotterdam, il conserve les collections du musée Boijmans Van Beuningen (réunissant 151.000 œuvres acquises sur plus de 170 ans), fermé pour travaux jusqu’en 2028, tout en étant ouvert au public.

Le Dépôt a été imaginé par l’architecte Winy Maas (cabinet MVRDV, agence d’urbanisme néerlandaise fondée en 1993). Il a été financé par la municipalité de Rotterdam avec la participation de la Fondation De Verre Bergen, pour un coût total de 94 millions d’euros. Les habitants le surnomme « le saladier » pour sa forme circulaire. La façade est entièrement recouverte de miroirs qui reflètent la ville, ils permettent de fondre l’édifice dans son environnement tout en le valorisant : le bâtiment est une gesamtkunstwerk (œuvre totale).

Avant la construction du Dépôt, seul 8 % des collections pouvaient être présentées au sein de l’exposition permanente du musée Boijmans Van Beuningen. Cette réserve de plus de 15000m² se déploie sur 7 étages autour d’un atrium central. Les objets sont disposés dans 14 compartiments de stockage et sont classés par tailles et exigences climatiques (selon les matériaux, typologie, etc.). Le Dépôt dispose de cinq zones climatiques. Toutes les mesures sont prises pour assurer la conservation de ces collections éclectiques et leur transmission. Au-delà des compartiments de stockages, il possède des espaces pour accueillir toutes les activités liées à l’étude, la conservation et la gestion des collections (atelier de restauration, zone de quarantaine, etc.). Des espaces sont également prévus pour accueillir des expositions temporaires et des ateliers pédagogiques. Enfin, 1900m² de la réserve sont dévolus à la location d’espaces pour des collections privées et d’entreprises (400 euros par an le m²).

Une grande partie du bâtiment est accessible au public. Les visiteurs peuvent observer l’intérieur des compartiments de stockage, mais aussi des ateliers de restauration, grâce à de grandes baies vitrées. Ils peuvent ainsi découvrir des métiers souvent méconnus (restaurateurs, régisseurs, etc.). Il est possible d’accéder en petit groupe à l’intérieur des zones de conservation des œuvres accompagnés d’un responsable. La médiation est importante dans ce type d’équipement culturel : il faut concilier la logique propre aux réserves d’optimisation de l’espace, tout en fournissant au visiteur assez d’informations. Les QR codes sont disposés sur les vitrines permettent de consulter les cartels et donnent accès à des activités ludiques. Une application mbile complète la visite. Le Dépôt permet de découvrir ces collections sous un nouvel angle. Le visiteur est invité à se perdre, à être curieux, à regarder, à sélectionner et à découvrir des œuvres des maîtres de la Renaissance au côté de toiles contemporaines. C’est une nouvelle expérience de visite et un nouveau type d’équipement culturel.

Le Dépôt, n’est cependant pas la première réserve visitable au monde. On retrouve des précédent aux États-Unis avec les Luce Centers notamment au Brooklyn Museum. En France, l’exemple le plus connu est celui du Louvre-Lensinauguré en 2012. Cependant, le but est ici de montrer le fonctionnement d’une réserve à petite échelle : il s’agit d’une « vraie-fausse réserve », elle permet de montrer l’organisation et le fonctionnement d’une réserve idéale. Le projet est donc ici différent et la véritable réserve du Louvre, le Centre de Conservation de Liévin n’est pas accessible au grand public. A Marseille, il est possible de visiter « l’appartement témoin » présentant une sélection d’œuvres issues des collections du Mucem. On peut aussi citer la tour d’instruments de musique imaginée par Jean Nouvel au musée du Quai Branly. Il semble néanmoins encore difficile, en France, d’ouvrir et d’aménager les réserves afin de les rendre entièrement visitables. Le Dépôt de Rotterdam n’a pour le moment pas d’équivalent. En 2025, le Victoria & Albert Museum inaugurera un nouvel espace de conservation sur l’ancien parc olympique avec un parcours de visite dans les réserves. Finalement, ces grands projets de réserves visitables sont-ils l’apanage des grandes institutions ? C’est vrai en partie. En effet, elles nécessitent un important investissement humain, matériel et financier mais semblent plaire et intéresser le public. Les projets de ce type se multiplient dans le monde. Il existe toutefois des solutions pour les structures plus petites qui souhaitent communiquer et valoriser leurs collections en réserve auprès du grand public comme l’organisation d’événements exceptionnels (Journées Européennes du Patrimoine, etc.) ou encore la création de vitrines avec une présentation « type réserve ». Le développement des projets numériques de ces dernières années ouvre également de nouvelles possibilités, citons par exemple, le projet numérique « Behind the museum » développé en Wallonie qui propose notamment des visites virtuelles d’espaces interdit au public comme les réserves.

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