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Restitution des œuvres d’art africaines. Une solution novatrice : le projet Looty.

Looty redéfinit la restitution culturelle avec son approche novatrice en utilisant la technologie des jetons non fongibles (NFTs) pour recréer numériquement des œuvres africaines spoliées. Face aux défis bureaucratiques, ce projet dirigé par Chidi Nwaubani offre une alternative numérique, combinant réalité augmentée et blockchain.

Alors que la question éthique de la restitution des œuvres africaines résonne dans le débat public, plongeons dans l’univers révolutionnaire de LOOTY, où les NFTs et la réalité augmentée s’allient pour redéfinir la restitution culturelle.

La question de la restitution d'œuvres africaines issues de l’époque coloniale suscite un débat animé axé sur les problèmes éthiques liés à leur acquisition, notamment le vol et le pillage. En France, les démarches de restitution impliquent généralement l’adoption d’une loi visant à transférer la propriété d'œuvres qui appartiennent juridiquement au domaine public français. Cela rend le processus souvent long et complexe.

Quelle que soit l’opinion sur cette question, le Conseil International de Musées (ICOM) se positionne de manière catégorique en faveur de la nécessité de retrouver la provenance des objets et de les rapatrier. Cependant, en parallèle à la restitution d'œuvres, d’autres options sont également possibles en misant sur la coopération entre États, telles que les emprunts, dépôts, co-construction d’expositions ou l’utilisation du numérique.

En 2021, Chidi Nwaubani crée LOOTY, un projet numérique conçu afin de proposer une restitution numérique, en recréant en trois dimensions des œuvres africaines spoliées pendant la colonisation.

Le processus est ingénieux et direct. Un membre de l’équipe se rend dans un musée pour prendre des images de l'œuvre, qui est ensuite numérisée. Après avoir été scannée et enregistrée avec des applications spéciales telles que LiDar, l’équipe de spécialistes en réalité augmentée procède à la conversion en 3D, un processus qui peut durer plus d'une semaine. Le fondateur du collectif Looty, Chidi Nwaubani, a déclaré lors d'un entretien avec la BBC :  "Pour être franc, c'est presque comme si nous re-sculptons l'œuvre d'art à nouveau".

La particularité du projet réside dans l’utilisation de la technologie des jetons non fongibles (NFTs)[1] et des crypto-monnaies pour la  vente de ces objets. Lors de la vente de NFTs, 20% des redevances seront versées dans le Fonds Looty, destiné à financer des bourses aux jeunes artistes africains. Bien que la destination du reste des fonds ne soit pas explicitement précisée, il est plausible qu’ils servent à couvrir les coûts du projet, la participation des intervenants, ainsi que les aspects numériques.

Face aux tentatives souvent infructueuses de restitutions des œuvres, Chidi Nwaubani a initié ce projet dans le but d’éviter les procédures bureaucratiques et de permettre aux jeunes artistes africains d'étudier les objets de leur patrimoine légitime. L’idée est de combattre les difficultés d’accès à la culture en la rendant accessible aux jeunes qui n’ont pas les moyens de se rendre dans le pays où leur patrimoine est exposé.

Cependant, ces initiatives soulèvent des préoccupations parmi les institutions en ce qui concerne la numérisation et les scans en 3D d'œuvres d’art. Looty affirme réaliser ces procédures légalement, se rendant dans les musées pour scanner les œuvres de manière autorisée. Toutefois, les œuvres scannées font partie de collections publiques, ce qui implique des droits de propriété pour éviter leur reproduction. Certains musées, comme le British Museum, interdisent la commercialisation des images en 3D, autorisant uniquement l’usage personnel. Cela soulève des questions sur la légalité des actions de Looty, susceptible d’engendrer des débats parmi les institutions.

Au fil du temps, Looty a réussi à recréer des œuvres d’art exposées au British Museum, notamment les célèbres bronzes du Bénin. En 2023, le projet réalise une initiative innovatrice en restituant numériquement la Pierre Rosette, initialement appelée Hajar Rashid, à son emplacement d’origine. Les visiteurs peuvent désormais l’admirer via l’application Snapchat.

Bien que le choix du nom Looty puisse susciter des controverses en référence au mot anglais loot[2], le projet se conforme à des procédures légales et non violentes. Par ailleurs, le nom fait également référence au chien pékinois nommé “Looty” que les troupes britanniques avaient offert à la reine Victoria après le pillage en Chine.

Présenté à la Biennale de Venise en 2023 comme la première restitution numérique d'œuvres d'art spoliées, Looty s’associe au Milele Museum, un musée numérique sur les arts et l’histoire d’Afrique. Ils collaborent dans le but de mettre en lumière l’importance de la restitution d'œuvres, mais aussi de raconter leur histoire à travers les voix africaines.

En définitive, la restitution des objets culturels dépasse sa simple dimension matérielle, elle revêt une importance cruciale, à la fois pour la préservation de l’identité nationale et la transmission authentique de l’histoire. L’approche novatrice de Looty, basée sur la réalité augmentée, remodèle les paradigmes socioculturels en offrant bien plus qu’un simple rapatriement numérique des objets dans son emplacement d’origine. Le projet traverse les frontières physiques pour créer une expérience innovatrice, permettant aux nouvelles générations de plonger dans leur passé.

[1] Pour savoir plus des NFT dans la restitution: https://www.art-africain.info/article-art-africain/art-africain-restitution-nft 

[2] peut signifier butin, pillier, voler

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