Texte sur bandeau
sur bandeau ligne 2

Un regard sur l'accessibilité des musées pour les personnes malvoyantes

Dans la quête de rendre les musées plus inclusifs, un défi majeur émerge : comment garantir une expérience enrichissante pour tous les visiteurs, y compris ceux qui sont mal ou non-voyants ?

Article de Lucie Lillemann

Durant son stage en tant que médiatrice pour le public spécifique à Dunkerque, Lucie (promo 2023-2024) a eu la possibilité de rencontrer des individus passionnés, prêts à transformer cette problématique en une opportunité d'enrichissement culturel pour chacun. Parmi eux, Fred de "Vis ta vue" de Dunkerque, une association engagée dans la promotion de l'accessibilité culturelle. Cette rencontre a été l'occasion d'explorer en profondeur les défis et les avancées dans le domaine de l'accessibilité des musées. Plongeons ensemble dans cette interview exclusive, où Fred partage son insight sur la manière dont les musées peuvent répondre aux besoins spécifiques des visiteurs mal et non-voyants.

Voici la retranscription d’un entretien semi-directif entre Frédérick (personne interrogée) et Lucie (étudiante) au sujet de l’accessibillité et l’inclusivité des musées. Nous avons utilisé la retranscription de type sociologique.

Lucie Lillemann : - Alors, j’effectue un mémoire sur l’accessibilité et l’inclusivité développé par les musées et je m’intéresse particulièrement aux ressentis des personnes concernées par ces derniers. J’avais fait un questionnaire pour recueillir les avis de personnes ayant différentes formes de handicap. Malheureusement, je n’ai pas pu l’adapter pour qu’il ne soit pas éblouissant. Et je te remercie donc pour ton témoignage.

Fred : - (rire) Y’a pas de problème ! C’est vrai qu’il aurait fallu qu’il soit de préférence sur un fond noir avec des lettres d’une couleur fluo comme vert ou jaune par exemple. Mais pose-moi des questions, je t’écoute (sourire).

Lucie L. : - Super, merci ! Trouves-tu que les musées sont accessibles et inclusifs pour les personnes malvoyantes ?

Fred : (rire) Non, absolument pas. Il est très difficile de trouver un musée qui va répondre aux besoins d’une personne malvoyante. C’est d’ailleurs ce que j’essaye de faire avec mon association, faire sortir ces personnes qui finissent par s’isoler car quand elles sortent c’est souvent difficile.

Lucie L. : - Est ce que je peux te demander quels sont les difficultés que vous pouvez rencontrer ?

Fred : - Oui, bien sûr (sourire). Le plus gros problème est celui de la lumière que l’on retrouve énormément dans les musées à cause des murs blanc. La couleur et l’écriture des cartels aussi. Ils sont trop clair, souvent blanc. Les lettres sont souvent trop petites et il n’y a pas assez de contraste entre le support et l’écriture. Pour nous, il faudrait que le cartel soit de couleur foncé : Gris ou noir de préférence. Et la police, elle, doit être droite, surtout pas inclinée et le plus gras possible pour qu’il y ait du contraste. Il faut le plus de contraste possible !

Lucie L. : - Est ce qu’il y’a un musée en particulier qui est problématique pour les malvoyants ?

Fred : - (réflexion) Alors, oui ! Le Louvre-Lens, c’est simple il est pas accessible, il est complètement inaccessible pour nous. Le problème c’est que le musée est très lumineux et les murs sont entièrement blanc. Pour le peu qu’on regarde une statue qui est également blanche, on ne voit strictement rien, il n’y a pas de contraste encore une fois. C’est un cauchemar pour se repérer et ouais, c’est un musée où il nous est impossible d’aller.

Lucie L. : Est ce que le fait que le bâtiment soit entièrement vitrée est aussi un problème ? Car du coup ça crée des reflets et ça peut également créer une sorte d’éblouissement non ?

Fred : Ah oui, tout à fait. Le problème c’est qu’on ne voit pas les vitres. Il n’est pas rare que dans des bâtiments comme ça, on se cogne. D’ailleurs, c’est déjà arrivé plusieurs fois de se cogner en voulant s’approcher d’une oeuvre qu’on distingue mal. Car en plus, notre réflexe quand on ne voit pas c’est de se rapprocher pour mieux voir, on s’approche, on s’approche et paf. (Rire) J’ai même une photo de ça.

Lucie L. : Est ce que tu as un avis sur les galeries tactiles ? Ou sur les outils qui peuvent vous-être proposés ?

Fred : Oui ! bah d’ailleurs ici au LAAC (Lieu d'Art et Action Contemporaine à Dunkerque) on avait pu faire une expérience très chouette la dernière fois où on avait eu l’autorisation de toucher la statue de la nana là-bas avec des gants. Le problème c’est qu’il y’en a pas assez. Et nous, c’est bête hein, mais nos yeux c’est nos doigts (agite ses doigts). Et c’est très frustrant de pas pouvoir toucher quelque chose. Il devrait y en avoir plus, ça c’est certain.

Malgré une vision limitée de 0 à 1,5, Fred ne laisse pas sa passion pour la photographie s'effacer. En offrant des cours à des débutants dans un club classique, il montre que la créativité peut surmonter les obstacles visuels. En tant que modèle lors d'une séance photo avec Fred, j'ai expérimenté la manière dont il capture la beauté au-delà des perceptions visuelles conventionnelles. Voici l'une de ses photos, un témoignage visuel de sa capacité à voir au-delà des limites imposées par la malvoyance.

En tant que personnes valides, nous pouvons admirer le bâtiment vitré du Louvre Lens et profiter de la vue sur le jardin, sans réaliser que ces éléments pourraient représenter un défi pour d'autres. Ce qui nous semble anodin peut être, pour quelqu'un d'autre, une barrière insurmontable, rendant l'accès au musée difficile, voire impossible. Il est important de reconnaître que nos perceptions peuvent différer grandement et que ce qui semble insignifiant pour nous peut avoir un impact majeur sur la vie d'autrui.

L'histoire de Fred est un rappel puissant de la résilience et de la passion. Son parcours inspire à créer un monde culturellement inclusif, soulignant que le handicap n'est qu'un aspect de la vie, pas une barrière infranchissable.